14 mars 2023
08 mars 2023
Miriam Cahn
L'art ne réclame ni complaisance ni politesse...
Avant même de juger la qualité artistique des telles ou telles œuvres c’est la multiplicité des interdictions de celles-ci qui interpellent. L’art, l’artiste, dans ce qu’il exprime la liberté pose également les limites de ce qu'il en est de la nôtre, de liberté.
« L’art ne réclame ni complaisance ni politesse, rien que la foi, la foi toujours et la liberté » disait Gustave Flaubert. Pourtant depuis quelques mois, sur fond d’inquisition, l’art n’en finit plus d’abreuver la source de la polémique et de précipiter une cascade de censure. Au cœur d’un débat cette semaine : l’expo de l’artiste bâloise Miriam Cahn accusée d'apologie de la pédocriminalité au Palais de Tokyo ? Cette fois, c’est une militante que l’on passe à l’équarrissage médiatique.
Pour L’artiste c’est une campagne de dénonciation absurde qui agite Twitter depuis dimanche, surtout depuis que l’inquisiteur en chef : Karl Zéro a publié un post, vu plus de 700’000 fois en moins de vingt-quatre heures.*
Le tableau en question représentant une fellation est parmi les plus récents de Miriam Cahn et fait référence aux événements entourant la ville de Boutcha, en Ukraine, lors de l’invasion russe.
«Il s’agit ici d’une personne aux mains liées, violée avant d’avoir été tuée et jetée dans la rue. La répétition des images de violence dans les guerres ne vise pas à choquer, mais à dénoncer.» déclare l’artiste âgée aujourd’hui de 73 ans dont l'œuvre risquait de subir le même sort que celle de Paolo Cirio** à Tourcoing, et celles de l'association Suisse Rephlex à Genève. ***
Epilogue Mardi 28 mars 2023
La juge a rejeté la requête du Rassemblement National, faisant écho à la jurisprudence constante de de la Cour européenne des Droits de l’Homme : il s’agit pour elle de
« les libertés de création et d’expression sont là pour protéger ce qui choque et dérange, et non ce qui est consensuel ».
Puis l'oeuvre à été vandalisée : https://www.lemonde.fr/culture/article/2023/05/08/l-auteur-de-la-degradation-de-l-uvre-de-miriam-cahn-au-palais-de-tokyo-est-un-ancien-elu-du-front-national_6172538_3246.html
** l'oeuvre « Capture » de Paolo Cirio qui devait être présenté dans le cadre de Panorama 22 au Fresnoy à Tourcoing, représentant des portraits de CRS s’est attiré les foudres du ministre de l’intérieur qui a purement et simplement demandé son retrait d’un simple tweet.
(Tout ce qui reste de capture est le film bleu qui masque l’œuvre illustre cette note). Lisez le très bon article sur le sujet de mon ami Laurent Diouf.
https://www.makery.info/2020/12/14/paolo-cirio-4000-nuances-de-brutes/
*«Insupportable, décrochez ça»: A propos d'une oeuvre de l'artiste militante Miriam Cahn.
https://www.20min.ch/fr/story/un-tableau-dune-artiste-suisse-fait-un-tolle-955314179641
*** décrochage de L’association suisse Rephlex à Genève.
https://www.malaxi.net/passage/2023/02/silhouettes-sur-la-page-de-lassociation-genevoise-rephlexapr%C3%A8s-led%C3%A9crochage-de-leurs-photos-de-nus-%C3%A0-la-la-galerie-du-qu.html
21 février 2023
16 février 2023
Décrochage.
Silhouettes sur la page de l'association Genevoise Rephlex après le décrochage de leurs photos.
Des féministes reprochent aux clichés de nus d'une exposition de ne pas être paritaires, obligeant la Galerie du quartier des Grottes de Genève à décrocher les oeuvres...
L’interdiction d’une exposition est toujours un échec. Que cela se passe « sans procès » ni débat est toujours une offense à la justice… L’association suisse Rephlex vient d’en faire les frais *.
Le terrible acte d'interrompre une exposition est emblématique d’un nouvel état des lieux… Les curateurs d’expositions se retrouvent sous le couperet de la vindicte politique ou populaire et s’empressent d’annuler ou fermer une exposition pour faire taire une polémique qui gonfle sur les réseaux sociaux (on l’a vue cette année à Angoulême pour l’expo Bastien Vivès annulée avant même que l’on connaisse son contenu**). Cela est nouveau, autant qu’affligeant que ceux qui sont les organisateurs d’expositions : des passeurs d’arts, finissent par jouer le rôle du censeur ou pire d’auto-censeur !
Qu’en est-il des artistes ? Quelle matière morale vient pétrir Hermès de Praxiteles ? La raison d’être d’une œuvre n’est-elle pas qu’elle puisse, interpeller provoquer ? Choquer aussi ! Contribuer au regard que nous portons à notre civilisation ? À n'en plus douter, l’œuvre et l’artiste disparaissent dès lors qu’elles/ils ne sont plus exposées.
Comme toujours, il peut y avoir de bons motifs, de véritables raisons et enjeux moraux ou politiques pour s’indigner ; mais sous les meilleures attentions sommeille parfois un triste dictat de la pensée morale digne des pires régimes autoritaires… Dans le cas présent comme le dit le journaliste du Temps à propos de ces militantes :
« Pourtant, si leur idéologie est diamétralement opposée à celle des puritains conservateurs, puisqu’elle vise la diversité, l’inclusion et la non-instrumentalisation du corps féminin, le résultat, lui, est exactement le même. »
** https://www.letemps.ch/culture/livres/evoquant-menaces-physiques-festival-dangouleme-annule-une-exposition-bastien-vives
